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Monday, September 20, 2010

Economie - Steven Din, Rio Tinto Simfer - Simandou: «Nous allons trouver un terrain d’entente à travers des discussions constructives »

Le projet d'exploitation du minerai de fer du mont Simandou a fait couler beaucoup d'encre depuis l'arrivée du géant minier angloaustralien Rio Tinto et la controverse sur l'avancée du projet. Si ce projet - estimé à plusieurs milliards de dollars - a lieu, l'impact économique, social et de developpement industriel sera énorme pour les Guinéens et assistera énormement le prochain gouvernement dans la lutte contre la pauvrété.

Les investisseurs internationaux, suivent de près ce dossier et avec la situation de transition vers l'ordre constitutional en Guinée, ce sujet fait la une de toutes les conversations minières étant donné que Simandou est l'un des derniers joyaux miniers de fer dans le monde.

Pour discuter de la situation, Guinéenews© a joint le président-directeur général de Simfer, Mr Steven Din pour savoir l'état de la situation, les perspectives, difficultés d'implementer ce projet, le contentieux sur la concession, les relations avec le gouvernement actuel et les perspectives avec l'arrivée du premier gouvernement démocratiquement élu en Guinée.

Mr Din est un des cadres supérieurs de la multinationale Rio Tinto. Diplomé en Génie chimique et certifié comptable, Mr Din a été vice-président de la divison fer et titanium, directeur financier de la mine de fer de Palabora en Afrique du Sud, président de la Fondation Palabora et membre du comité d'audit de de l'unranium. Mr Din est aussi membre du comité exécutif du minerai de fer de Rio Tinto. Il est basé en Guinée depuis 2009.

L'interview a eu lieu le jeudi 16 septembre en anglais et les lecteurs peuvent l'écouter sur le canal Guinéenews© de Youtube.

En toute exclusivité!

Guinéenews©: La première question que je souhaite vous poser est la suivante : Rio Tinto est en Guinée depuis le milieu des années 1990. Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs ce que vous avez réalisé jusqu'à présent ?

Steven Din: 
Oui, je serais heureux de vous l’expliquer. Nous ne devons pas seulement regarder le nombre d’années passées dans le pays, car ce serait assez trompeur. Nous devons plutôt nous intéresser aux détails de ce qui a été réalisé depuis 1997.

Ce n’est qu’en 2002 que notre Convention Minière a été signée et ce n’est qu’en 2006 que nous avons pu, grâce à l'octroi de notre Concession Minière, obtenir le titre minier suffisamment sécurisé pour réellement investir dans le pays et faire progresser le projet. Malheureusement, en 2008, le projet a été perturbé par diverses questions et la moitié de la concession nous a été retirée.

Simandou est un joyau parmi les actifs de Rio Tinto, et c’est également un projet de classe mondiale. 

Bien que nous ayons démarré nos travaux en 1997, nous avons lancé un vaste programme de recherches et, à cette époque particulière où les prix du minerai de fer étaient au plus bas, nous devions établir que le tonnage de minerai de fer était suffisant pour que le projet soit économiquement viable.

En 2000, notre programme de recherches a permis d'identifier les tonnages dont nous avions besoin. C’est à ce moment-là que nous avons entamé, avec les autorités, les discussions relatives à l’octroi de droits miniers.

Cette démarche nous a malheureusement pris du temps et c'est à l’issue de négociations qui ont duré cinq ans que notre Convention Minière a été ratifiée par l’Assemblée Nationale, en 2003. Toutefois, comme je le disais précédemment, ce n’est qu’en 2006 que notre Concession Minière nous a été octroyée.

Une fois cet ensemble mis en place en 2006, nous nous sommes en effet lancés dans un programme de forage très intensif et nous avons constitué des groupes d’études d’experts en Guinée, en Europe et en Australie.

Malheureusement, après 2 années de travaux, au milieu de l’année 2008 et au plus fort de nos activités et de nos investissements, notre Concession Minière nous a été retirée, puis a été partagée en deux par les autorités. La moitié Nord a été accordée à une autre société, tandis que la moitié Sud a été conservée par Rio Tinto, mais avec des droits miniers peu clairs. Nous sommes depuis lors en discussion avec les autorités mais n’avons pas encore résolu ce problème de façon satisfaisante. Par ailleurs, les événements survenus en 2009 dans le pays n’ont pas favorisé cette discussion. 

Et comme vous le savez, Boubah, à la fin de l'année 2008, nous avons connu une crise financière mondiale et le secteur des matières premières a été durement touché.

Pour résumer, après la signature de notre Convention Minière et l'obtention de notre Concession Minière, ce n'est qu'entre 2006 et 2008, soit pendant deux années seulement, que nous avons disposé d'un titre minier sécurisé et que nous avons pu accélérer nos activités de manière significative.

En tant que Directeur Général, j’ai été extrêmement frustré par les perturbations du projet Simandou ; mais ce que je peux vous dire, c’est que, malgré cela, nous avons maintenu notre main-d'œuvre dans le pays et avons continué à investir, et ce, même à un moment où d’autres s'étaient en fait abstenus de le faire. Je suis fier de faire partie de Rio Tinto pour cette raison. L'engagement de la société de développer les richesses minières de la Nation, et notre engagement envers les personnes que nous employons demeurent intacts et sans faille.  

Vos détracteurs disent que vous avez gelé le projet de 1997 à 2008, soit presque 9 ans. Selon eux, que vous n’étiez pas pressés de démarrer le projet car il ne s’inscrivait pas dans votre stratégie globale sur le marché du minerai de fer. Qu’avez-vous à dire ? 

Bien, ceci est un commentaire intéressant. Rio Tinto réalise tout le travail nécessaire pour acheminer le minerai de Simandou vers le marché.

Mais permettez-moi de vous donner quelques éléments d’information sur le contexte de la mise en œuvre d’un projet tel que Simandou sur le marché. 

La ressource de Simandou est très complexe et le projet l’est tout autant. Ce n'est pas en raison du développement de la mine. Vous savez, nous construisons et opérons des mines dans le monde entier et ce n’est pas un problème avec Simandou.

La complexité du projet provient de l’infrastructure nécessaire pour exporter ce minerai de fer sur le marché. Actuellement, pour traverser la Guinée, nous devons construire une voie ferrée industrielle de 700 km, ce qui signifie que nous avons aussi à négocier les régions montagneuses de Mamou et étudions en ce moment la construction d'environ 20 km de tunnels qui nous permettraient de passer à travers ces montagnes. Et lorsque vous atteignez la côte, c’est l’accès en eau profonde qui devient particulièrement difficile en raison notamment des exigences en termes de dragage, ce qui nous oblige à effectuer des travaux considérables le long de la côte pour évaluer le meilleur emplacement pour ces infrastructures.

Nos ingénieurs ont longuement travaillé pour trouver une solution technique à ces questions et nous avons également effectué des travaux récents qui laissent penser que nous approchons du but.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples de méga projets qui ont été développés et construits en Afrique. Le pétrole a été découvert au Tchad à la fin des années soixante mais il a fallu 35 ans pour construire le pipeline du Tchad. Un autre exemple, cette fois-ci plus lié à l’industrie du minerai de fer est : Carajas, qui est un complexe de mines au Brésil, découvert en 1968. L’extraction des premiers minerais n'a débuté qu'en 1985, soit 17 ans plus tard. En fait, il a fallu plus de 20 ans à Carajas pour atteindre les volumes que nous prévoyons d'atteindre sur Simandou après une période de mise en production de quatre ans, et le volume d’extraction que nous espérons obtenir s’élève à 95 millions de tonnes par an.

Je vous rappelle aussi que 95 millions de tonnes par an, c’est 10 fois le volume produit par la CBG qui est actuellement la plus grande société minière en Guinée.

Simandou sera également le plus grand (Greenfield) nouveau projet de minerai de fer dans le monde.

Pour finir, en termes de complexité et de délais nécessaires pour la mise en œuvre de ces projets, les japonais et les français avaient aussi étudié Simandou au début des années 1960.

Nous avons également effectué des recherches sur ce sujet. Simandou sera en fait le plus grand projet privé de minerai de fer et d’infrastructures jamais réalisé en Afrique. Ainsi, nous n’avons jamais reculé devant les difficultés. Ce projet est complexe ; cette complexité est inhérente au développement de Simandou. Et nous devons dépasser ces difficultés. Nous sommes parfois surpris de l’importance et des certitudes exprimés par certains autres projets miniers guinéens qui n’ont pas réalisé le même niveau d’études spécialisées que le nôtre. Toutefois, un certain nombre de remarques hardies sont actuellement faites sur le temps qu’il nous faudra pour placer notre premier minerai de fer sur le marché. Il est important que nous le fassions de manière professionnelle et trouver une solution à une telle complexité ; cela prend du temps mais nous pensons que nous sommes maintenant prêts du but et que le projet va pouvoir porter ses fruits.

Si je comprends bien, afin de rendre votre projet viable, vous avez l’intention de récupérer la moitié du projet qui fait l’objet d’un débat avec le Gouvernement actuel. Avez-vous l’intention de récupérer l’autre moitié et comment comptez-vous faire ?  

Vous soulevez un point très important pour nous. Il y a un désaccord et nous devons résoudre cette impasse pour le bénéfice de tous. Lorsque je dis le bénéfice de tous, j’entends pour le bénéfice de la Guinée, de la population guinéenne, des communautés autour du projet et, également pour Rio Tinto, Chinalco et la SFI. Ce n’est pas un secret, la situation que nous connaissons actuellement doit changer.

Ces dernières années ont été difficiles - et ce même dans l’histoire de la Guinée. Nous voulons être sûrs que nous avançons en toute confiance. Parce qu'il est très important que nous contribuions au développement de la Guinée et que le projet permette d'améliorer la qualité de vie dans le pays.

Comment allons-nous y parvenir ? 

Nous ne procéderons pas différemment de la façon dont nous avons procédé dans le passé. Nous continuerons à discuter avec les autorités afin de comprendre pourquoi une telle décision a été prise et nous espérons qu’à travers des discussions constructives, nous parviendrons à un résultat satisfaisant pour l’ensemble des parties concernées. En résumé, nous poursuivrons nos discussions avec tout futur gouvernement qui sera en place comme nous le faisons actuellement avec l'actuel Gouvernement de Transition et comme nous l’avons fait avec les gouvernements précédents.

En cas d’échec des négociations avec le futur Gouvernement, entamerez-vous des poursuites judiciaires ? 

Boubah, je souhaiterais vous préciser que nous croyons, et je suis par ailleurs très confiant, que nous allons trouver un terrain d’entente à travers des discussions constructives. Je pense qu’il est trop tôt pour commencer à évoquer d'autres options. Merci.

Vous prétendez avoir investi à ce jour plusieurs centaines de millions dans le projet. Quel bénéfice pouvez-vous montrer aux Guinéens ?

Oui, en réalité, nous avons investi à ce jour, c'est-à-dire depuis que nous sommes arrivés dans le pays, 680 millions de dollars, de dollars américains, dans le projet. La proportion des dépenses réalisées dans le pays, dans les activités guinéennes,  a constamment été d'environ trois quarts des dépenses, soit près de 500 millions de dollars.

De plus, même les montants plus faibles investis en dehors du pays bénéficieront à la Guinée, car ils ont été dirigés vers des travaux qui là encore permette d’avancer le projet vers l'exploitation de Simandou.  

A quoi ces dépenses ont-elles été affectées ? Nous employons actuellement 1.100 personnes, dont 700 employés et 400 sous-traitants. Comme vous le savez, nous effectuons des forages dans le pays car il est nécessaire de bien connaître le minerai de Simandou avant de construire la mine et de choisir l’emplacement des infrastructures minières. Nous disposons de camps sur Simandou qui peuvent accueillir de 600 à 900 personnes.

Nous avons construit un aéroport. Nous avons dépensé de l’argent dans des infrastructures publiques ;  nous avons rénové plus de 200 km de routes nationales entre Nzérékoré et Beyla. Nous avons investi 7 millions de dollars pour construire l’aéroport de Beyla, y compris la piste d’atterrissage. Nous avons étudié notre contribution à la situation de l’électricité à Conakry et à la situation des déchets. Nous avons également donné des bus. 

En matière de développement social, nous avons travaillé sur 3 écoles, une radio communautaire, et des centres culturels. Nous avons rénové deux centres médicaux. Et nous soutenons actuellement des programmes communautaires dans 19 villages situés autour de la mine, y compris 34 puits d'eau, ainsi que plusieurs projets allant de places de marchés à des centres pour la jeunesse, ou encore la rénovation de stades pour les jeunes, leur permettant ainsi d’avoir un lieu pour exercer leurs loisirs.

Nous avons également considérablement investi dans l’environnement, où nous avons été impliqués avec le UK Met Office ainsi que le Botanical Gardens à Londres afin de nous assurer que chaque solution qui sera mise en place autour des habitats critiques soit acceptable car, comme vous le savez, nous avons non seulement des standards très élevés en matière environnementale, mais encore, plus important, nous avons d'autres partenaires au sein du projet. Et l’un de nos partenaires qui a également des exigences élevées dans ce domaine, est la SFI, la branche de financement privé de la Banque Mondiale. Il existe ainsi un nombre important d'infrastructures, de formations professionnelles et de travaux précédant la phase de développement du projet qui ont été effectués grâce à l'argent qui a été dépensé dans le pays.  

Nous avons été informés que le Comité d’Investissement de Rio Tinto a récemment approuvé 170 millions de dollars de dépenses pour le projet Simandou. Selon certaines sources, l’administration actuelle a stoppé l’ensemble des travaux préliminaires et elle a également précisé que vous êtes en violation du Code minier, et a menacé de vous retirer votre titre. Que répondez-vous à cela ? Quelle est la véritable histoire ? Vous empêche-t-on de dépenser ces 170 millions de dollars ? 

Merci de soulever ce point. Permettez-moi de vous confirmer qu’au mois de juillet, Rio Tinto a en effet approuvé un financement de 170 millions de dollars, qui doit être dépensé entre maintenant et le mois de janvier, soit sur une période de six mois, afin que nous réalisions ce que nous appelons des travaux préliminaires, essentiellement des travaux qui nous permettraient de nous rendre sur le corridor et de confirmer certains aspects de nos études, en particulier dans les zones du chemin de fer mais aussi du port. Et aussi de commencer à travailler sur des projets dans le pays qui permettront de faire avancer certaines des idées que nous avons eues concernant une centrale hydroélectrique commerciale, complétant nos recherches sur les carburants alternatifs et les biocarburants, c'est-à-dire, le carburant diesel et nous souhaitions également créer une Fondation Rio Tinto à Conakry et à Beyla et espérions collaborer avec Chinalco et bénéficier de leur expertise dans le cadre de fonds Chine Afrique afin de lancer cette Fondation. Ces projets auraient évidemment été définis en accord avec les autorités mails ils auraient été principalement axés sur la formation, l’apprentissage, afin de s'assurer d'avoir une main-d’œuvre, une main-d'œuvre guinéenne, formée sur une certaine période afin d'être prêts lorssque les opérations débuteront. Les autres domaines dans lesquels nous aurions dépensé de l’argent sont dans les projets de petites et moyennes entreprises et leur développement, en collaboration avec la SFI.

Je peux également vous confirmer que, bien que nous ayons été en mesure de poursuivre sur notre niveau de dépense actuel, nous n’avons pas été en mesure de l'accroître car les autorités nous ont malheureusement demandé de ne pas accéder à l’intérieur du corridor dans lequel nous avions réalisé des études pour la voie ferrée industrielle et ils nous ont demandé de ne pas nous rendre sur la zone portuaire car il y a un projet prioritaire par rapport au nôtre. Cette décision nous a surpris, et nous poursuivons les discussions avec les différents Ministères afin de trouver une solution. En fait, ce matin, je parlais avec mon équipe, et je voulais m’assurer que tous les ingénieurs, les entreprises, les sous-traitants que nous avons mobilisés en ce moment restent en suspens, car je ne souhaite pas me retrouver dans une position où il faudrait les démobiliser et supporter de nouveaux retards. Toutefois, il s’agit d’un retard supplémentaire pour le projet. C’est une réalité et je suis en discussion avec les autorités sur ce sujet. 

Nous comprenons que la situation politique risque d'affecter le calendrier de votre projet. Actuellement, les guinéens attendent le second tour des élections. Si tout se passe comme prévu, nous aurons un nouveau président et, nous l'espérons, tout ira pour le mieux. Bien que vous ne preniez pas part à ce processus, je suis certain que vous le suivez d’assez près. Avez-vous des échanges avec les équipes des deux candidats leaders parce que, disons, l’un d'eux prendra une décision concernant votre projet d’ici, espérons-le, dans les six prochains mois ? Etes-vous en contact avec les deux candidats leaders ? 

Tout d’abord, permettez-moi de vous dire concernant les élections et l’issue que nous attendons, que oui, c'est dommage qu’il y ait eu un autre report au calendrier prévu. Nous attendons avec impatience l’arrivée du nouveau Gouvernement et, absolument, nous discuterons avec le nouveau Gouvernement afin de pouvoir présenter notre cas parce que nous pensons qu'il doit être entendu, il doit être entendu par les bonnes personnes, de même que les faits qui établissent notre position actuelle, ainsi que les retards que nous avons subis du fait de décisions prises unilatéralement par divers ministères. Ce que je veux dire c’est un projet important pour la Guinée, un projet important pour les Guinéens, et également un projet très important pour Rio Tinto, Chinalco et la SFI. Nous devons faire tout ce qui est nécessaire pour le mettre en œuvre. Nous avons déjà effectué des travaux considérables et j’espère que nous pourrons poursuivre sur cette base très rapidement, et j’attends impatiemment la tenue des élections dans les prochaines semaines.

Quel est le coût de ce projet ? Comment prévoyez-vous de le financer ? 

Vous savez, les projets d'une telle envergure, Boubah, ont un coût extrêmement élevé. La dernière publication des estimations sur les Capex pour ce projet remonte à quelques années et depuis il y a eu plusieurs changements. Vous savez, nous parlons en dizaine de milliards pour pouvoir construire un projet de cette taille. Et qui par ailleurs, sera en activité dans le pays pendant les 50 ou 100 prochaines années, tout dépend des tonnages annuels qui seront retenus. 

Comment le financerons-nous ?

Il y aura bien entendu la participation en capital de nos partenaires et nous espérons qu’il y aura également le financement de tiers. L'une des choses que nous devons être en mesure de solliciter de nos partenaires est leur capacité à lever des fonds à travers leur propre organisation et comme vous le savez, la SFI est la branche de financement privé de la Banque Mondiale.

Dans une situation idéale pour vous, imaginons que tout se déroule comme vous le souhaitez ; vous avez les autorisations, vous avez le financement. Quand pensez-vous que la première tonne de minerai de fer pourrait être acheminée ? 

Comme je l’ai dit précédemment, nous avons été confrontés à des retards importants. Et en particulier des retards sur lesquels nous discutons depuis le milieu de l'année 2008, à une époque où non seulement la moitié de la concession a été attribuée à une autre société, mais également la partie qui nous a été laissée est couverte par un titre discutable. Nous essayons de régler ces problèmes. Nous n'avons eu que deux ans d’activité intensive au cours desquelles nous avons pu faire avancer le projet au rythme que nous souhaitions. Elle se situe entre la date d'octroi de la Concession Minière prise sur la base de la Convention Minière qui avait été signée 3 ans auparavant, et l'année 2008 qui correspond, comme je vous l'ai indiqué, à la date à laquelle nous avons reçu cette décision unilatérale de nous retirer la moitié de la Concession Minière. En prenant tous ces aspects en compte, et le fait que nous continuons à investir, je souhaiterais voir le début des opérations minières et un début de production dans les 5 prochaines années. 

Quel est concrètement votre plan d’évacuation ? Passerez-vous par le Liberia ou vous concentrerez-vous sur la construction d'un chemin de fer Trans-Guineen ? 

Je pense qu'il est très important que nous prenions la bonne décision ici. Je suis heureux que vous souleviez ce point. Je veux dire que Simandou n’est pas seulement une mine qui sera opérationnelle pendant 5 à 10 ans. Simandou sera une mine qui sera opérationnelle comme je l’ai dit pendant les 50 à 100 prochaines années. Par conséquent, nous devons nous assurer que les investissements que nous effectuons pour construire cette mine nous permettront d’être compétitifs sur le marché international. Il s’agit du marché international sur le long terme. Jusqu'à présent, l'ensemble de nos études se sont concentrées sur le transport du minerai de fer à travers la Guinée, jusqu'à la côte et une exportation par les eaux guinéennes. C’est sur cette hypothèse que l'ensemble de nos études se sont concentrées. Toutefois, en même temps, comme je l’ai dit, nous devons regarder sur le long terme de combien cela coûterait de produire une tonne de minerai de Simandou, et explorer également d'autres possibilités. Mais pour l’instant, le Trans-guinéen est la route sur laquelle nous travaillons et concentrons toutes nos études.  

Pourquoi n'envisager que l'extraction du minerai de fer ? Avez-vous envisagé de transformer le minerai en acier ? Pourquoi ne pas essayer de tirer une transformation à valeur ajoutée sur le marché local ? 

Merci. C'est intéressant. Rio Tinto est une société minière qui possède une expertise internationale dans le développement et l'exploitation de mines de manière sûre et responsable. Dans certains cas, cependant, nous sommes allés au-delà des mines proprement dites et avons construits des complexes aval. Toutefois, avant d’envisager une quelconque activité en aval, il est important de prendre en compte deux éléments déterminants. 

Le premier point à prendre en considération est la proximité du marché pour le produit final. Et l’autre, particulièrement lorsque l'on parle de minerai de fer, concerne la disponibilité des autres matières premières requises afin de pouvoir en bénéficier.

En ce qui concerne les matières premières, en vue de transformer le minerai de fer en acier, laissons de coté les matériaux nécessaires aux alliages qui seront nécessaires au processus ; la matière première indispensable est le charbon et nous devrons nous assurer que ce dernier est en quantité suffisamment importante à proximité de la mine pour pouvoir ne serait-ce qu'envisager une transformation de minerai de fer à grande échelle.

L’autre volet qu’il faudra bien regarder concerne la demande d’acier en Guinée et aux alentours pour comprendre si les conditions de marché et les tonnages requis permettent de considérer que le processus de traitement dans le pays est économiquement viable. Pour le moment, ce n’est pas notre objectif principal. Nous nous concentrons plutôt sur les solutions qui nous permettront de développer la mine et les infrastructures importantes qui sont nécessaires pour exporter le minerai de fer.

Un autre point qui ressort des critiques qui vous sont adressées, c’est qu’il n’y a pas de participation guinéenne dans le projet. Vous avez Rio Tinto, Chinalco, la SFI. Il y a zéro pour cent de participation guinéenne. Qu’en dites-vous ? 

Je ne vous suis pas sur ce point. Le gouvernement guinéen a la possibilité, conformément à la Convention Minière, de participer à hauteur de 20 pour cent dans le projet Simandou. Vous avez raison, jusqu’à présent, Rio Tinto détient 95 pour cent et la SFI, 5 pour cent. Récemment, la part de Rio Tinto a été répartie entre Chinalco et Rio Tinto. Mais vous savez, pendant toute la période où le projet est dans cette phase, le Gouvernement guinéen a la possibilité d’exercer son option visant à acquérir une participation de 20 . D’ailleurs, au cours de ces derniers mois, nous avons reçu une manifestation d'intérêt de la part du Ministre des Finances et du Ministre des Mines, qui ont exprimé leur volonté de discuter avec Rio Tinto et ses partenaires quant à l’exercice de cette option. Nous sommes extrêmement heureux de cette nouvelle et nous avons fourni de nombreux documents aux Ministères afin qu’ils puissent avoir toutes les informations nécessaires, cela va de documents de base, tels que les statuts de la société, jusqu'aux comptes déposés, divers rapports environnementaux, etc.

Vous savez, nous nous sommes également entretenus plusieurs fois avec le Ministre des Mines et le Ministre des Finances sur ce que pourraient être les mécanismes d’évaluation possibles et comment cela pourrait être revu en particulier avec la SFI.

Nous sommes donc très contents car c’était un point très important pour nous, lorsque nous avions négocié la Convention, d’avoir la participation du Gouvernement de la Guinée dans le projet. Nous sommes heureux d'être en mesure de discuter actuellement avec le gouvernement sur ce point. 

Encore juste une confirmation sur la question du titre minier. Dans le passé, un de vos arguments était de dire que vos concurrents qui ont obtenu l'autre moitié étaient une société privée n'ayant aucune expertise dans l'exploitation de minerai de fer. Maintenant, ils ont fait intervenir l’un de vos plus grands concurrents, le brésilien Vale. Comment cela change-t-il l’équation pour vous, concernant l'argument fait au peuple guinéen « nous pouvons le faire » et vos concurrents disant « oui, nous pouvons le faire aussi» ? 

Je comprends ce que vous voulez dire concernant les parties impliquées qui peuvent maintenant être différentes. Mais notre argument premier a toujours été que notre projet a un fondement juridique nous permettant d'affirmer que nous avons des droits sur le Nord et le Sud de la Concession Minière qui a été accordée à Rio Tinto en 2006. Nous maintenons notre position sur nos droits, car nous pensons que nous avons le droit avec nous et que nous avons fait tout le nécessaire pour porter le projet à son stade actuel. Le fait que les parties aient aujourd’hui changé ne change pas notre opinion sur ce qu'est notre situation. Comme je l’ai dit précédemment, nous souhaitons vraiment poursuivre les discussions de manière constructive avec les autorités afin d’aboutir à une solution satisfaisante pour tout le monde. 

Pour conclure cette interview, nous voulons vous donner l’opportunité de parler directement aux candidats leaders et à leurs équipes en charge des sujets économiques. Pourquoi pensez-vous que votre société peut aider au développement économique ? En termes de développement, car ils auront besoin de toute l'aide nécessaire pour sortir la Guinée du gouffre écomomique.

Tout d’abord, je mentionnerais la réputation de Rio Tinto. Nous sommes une société très respectée au niveau international qui, pour ce qui est du minerai de fer, détient des opérations significatives dans le Pilbara en Australie où nous produisons en moyenne 220 millions de tonnes par an. Nous avons également des exploitations dans le minerai de fer au Canada. Donc, pour nous, pouvoir parler de développer une mine de 95 à 100 millions de tonnes par an, ce n'est pas hors d'atteinte, mais au contraire tout à fait compréhensible. Nous sommes une société qui a toutes les capacités dans ce domaine. 

Le partenariat avec Rio Tinto, la SFI, Chinalco apportera de nombreux bénéfices. C'est un partenariat unique qui comporte de forts éléments en matière de gouvernance. Mais plus important encore et depuis très récemment : une expertise chinoise. Nous devrions bénéficier de l’expertise de la Chine grâce au savoir-faire d’entreprises chinoises dans la construction des chemins de fer, de port, l’expertise des ingénieurs qui pourront assister notre équipe de gestion du projet et faire avancer le projet.

L'autre point que vous avez mentionné  précédemment concerne l'accès au financement. Il existe des fonds étrangers très importants disponibles en Chine et qui sont dédiés à l'investissement à l'étranger. Et ces fonds ne seront pas seulement disponibles pour le développement d'infrastructures ou de ressources, mais aussi pour des projets sociaux et environnementaux, avec le China African Development dont le bureau des représentants ouest africains est, me semble-t-il en cours de constitution à Accra. Et, en fait, dans des discussions récentes avec Chinalco et Chalco, nos nouveaux partenaires, nous avons échangé sur la façon dont nous pourrions mobiliser ces fonds et coordonner nos efforts afin, dans le cadre d'un projet, d’apporter notre contribution immédiate aux problèmes rencontrés en Guinée dans les domaines de l’eau, de l’électricité, de l’éducation et de la santé… 


Nota: entretien téléphonique interrompu pour cause de panne d’électricité

Propos receuillis par Boubacar Caba Bah pour Guinéenews©.

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