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Friday, January 29, 2010

Kabiné Komara : « J'ai la conscience tranquille »


Par RFI

Il fut le Premier ministre guinéen du gouvernement de transition durant un peu plus d'un an avant de passer la main mardi 26 janvier 2010 à Jean-Marie Doré... Kabiné Komara, Premier ministre effacé, tire aujourd'hui le bilan de son action.Malgré le massacre du stade à Conakry en septembre dernier, Kabiné Komara qui n'a manifestement pas pu influencer la junte de Dadis Camara dit dans un entretien avec RFI, « avoir la conscience tranquille ».

RFI : En arrivant au poste de Premier ministre le 31 décembre 2008, vous disiez «J’adhère profondément aux idéaux de la junte ». Est-ce toujours le cas aujourd’hui ?

Kabiné Komara : Bien sûr que ce que le CNDD (Conseil national pour la démocratie et le développement) avait comme idéal en décembre 2008 avait mobilisé toutes les populations guinéennes et avait suscité même à travers le monde un très fort courant de sympathie. Donc aujourd’hui, si ces idéaux sont répétés et réécrits et suivis je vous l’assure qu’il y aurait plein d’adeptes pour y adhérer.

RFI : Mais n’avez-vous pas le sentiment qu’en un an, ces idéaux ont été dévoyés ?

KK : Il y a les idéaux, il y a la pratique. A la pratique, l’homme change. Quand il est apparu que les délais des élections commençaient à être décalés, naturellement les uns et les autres ont commencé à se poser des questions. Et c’est là que chacun de nous, de la manière qu’il a pu, a mobilisé la communauté internationale pour qu’elle vienne intervenir de façon à ce que la trajectoire soit remise sur les rails.

RFI : Vous disiez tout à l’heure « L’homme change ». Est-ce que ça signifie que vous avez vu Moussa Dadis Camara changer en un an ?

KK : J’ai beaucoup vu, surtout beaucoup de gens autour de lui changer, certains de l’entourage du président et du système ont dû penser que la parole donnée devrait être amendée.

RFI : Lorsque vous avez compris que Moussa Dadis Camara changeait d’optique sur sa candidature à l’élection présidentielle, lui en avez-vous parlé, avez-vous tenté de le mettre en garde ?

KK : Je dois vous dire que le président ne m’a jamais dit « monsieur le Premier ministre, je veux être candidat ». Jamais. Chaque fois que nous discutions, c’était dans l’optique de continuer le processus pour que des élections libres et démocratiques soient tenues, conformément à l’engagement initial. Mais dans les prises des positions des uns et des autres, on voyait qu’il y avait une certaine tendance au changement. Mais le président n’a jamais eu le courage de me dire « monsieur le Premier ministre, je veux être candidat ».

RFI : Et vous n’avez jamais eu le courage de le mettre en garde contre les dangers d’une telle mesure ?

KK : Mais si que j’ai utilisé les moyens que je pouvais pour réconcilier et rapprocher les uns et les autres, attirer leur attention sur les risques qui pourraient courir sur le pays si telle ou telle attitude était engagée. Je ne dirais jamais, et ce serait faux de dire que j’avais le moyen d’influencer le président Dadis Camara. Chacun a son caractère et son tempérament.

RFI : Mais est-ce que ce n’est pas un peu facile de dire toujours que ce sont les entourages qui sont responsables, que les vrais décideurs ne sont jamais responsables ?

KK : Je vous laisse juge de cette phrase mais ce que je sais, c’est que quand on est soumis à un faisceau de pressions et de louanges dans un certain contexte, on peut faiblir.

RFI : Et quel est cet entourage. Est-ce qu’il a un nom ? Qui sont ces gens qui ont tenté de le manipuler, selon les mots que vous employez ?

KK : Notre pays est encore fragile et je me suis toujours engagé à réconcilier les uns et les autres. Donnons la chance aux uns et aux autres de continuer encore à reconstruire positivement la Guinée.

RFI : Pourquoi n’avez-vous pas démissionné au lendemain du massacre du 28 septembre ?

KK : Ma démission, à l’époque, aurait précipité le chaos. Je le dis avec conviction.

RFI : Mais quand même, est-ce qu’il n’y a pas des moments dans la vie d’un homme, d’un responsable politique, où les principes moraux doivent l’emporter sur les autres considérations ?

KK : Je vous laisse juge de cela, mais je suis très heureux au contraire qu’aujourd’hui, même ceux qui me poussaient à démissionner, y compris au sein de la communauté internationale, aient reconnu aujourd’hui la justesse et le courage de la décision que j’ai pris à ce moment-là.

RFI : Qui a reconnu cela ?

KK : J’ai reçu une lettre de félicitations de la CEDAO (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) au nom de la communauté internationale. J’ai reçu la semaine dernière quatre déclarations conjointes individuelles, du représentant des Nations unies, du ministre nigérien des Affaires étrangères, du médiateur, de la CEDAO et d’autres, pour m’encourager, me féliciter et me remercier d’avoir pris ce risque de rester assermenté à un moment particulièrement palpitant et dangereux. J’ai, du peu que j’ai pu, essayé de sauver l’essentiel. Croyez-moi, tout ne peut pas être dit. J'ai la conscience tranquille. Ce n’est pas un motif de fierté, mais c’est quelque part une raison pour moi d’être tranquille avec ma conscience.

TAGS : GUINÉE

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